"...un peuple qui a posé comme présupposé le refus du pouvoir; une peuplade qui voit devant, sans lever les yeux. Quelles soient moulées dans du béton, amalgames de résine, ou fondues dans du fer, qu'elles soient peintes dans un liant de colles et de pigments, les Prêtresses de Solvès sont des figures d'avant la Bible, le Coran, le Talmud.
Dans la trinité recomposée de la terre, du ciel et de l'homme, elles ne s'égarent jamais. Un fil invisible les relie au chemin universel.
D'une peinture à l'autre, d'une sculpture à l'autre, leurs silhouettes sont comme le prolongement absolu de la terre mère, celle qu'on nommait Gu. De leurs bustes coulent des épaules douces et tombantes. Toujours la tête précède le corps, creusant dans la nuque cette échancrure d'une modestie irréelle.
Ventre de faim, pas du festin, dirait Char. L'ascèse guette.
Le paradoxe si doux tient à ce que dans leur immobilité, ces divinatrices marchent depuis longtemps et de tous temps. Elles n'avancent pas avec leurs corps. Elles avancent avec l'intérieur de leur être. Quand la lumière leur tombe dessus et du ciel, c'est parfois une cape illuminant la colonne de leur dos, parfois une boule de soleil chauffant leur plexus, souvent un halo fraternel à l'aura de leur enveloppe. Jamais les visages effacés dans le dessin d'une ogive aveugle ne sont dans la clarté. Solvès fuit les miroirs de l'apparence.
Et s'il ne date aucune de ses oeuvres comme si elles appartenaient déjà au cercle du temps, le peintre signe en cabaliste. De son nom, il a ôté le "o" et l'"e" pour dresser l'enfilade de quatre consonnes: un "slvs" imprononçable qu'il fond en alchimiste dans les concrétions de peinture, le collage de bois, les craquelures du béton.
Il faut du temps au regard pour lire dans le grain des œuvres cette signature dont la chair des voyelles a brûlé pour se resserrer à l'ossature des consonnes. Alors que la tête du visiteur dans une inclination presque commune se tend vers l'œuvre. Et soudain y cherche - presque surpris- le symbole du passage." Catherine Dubray © Juin 2004
"Prêtresses" Temple de 25 m2, béton, pigment, patine 5 x 5 x h 2,5 m